Stop aux TMS au travail ! les conseils d’un ergonome 

Les troubles musculosquelettiques concernent un actif français sur deux. Largement liés à l’activité professionnelle, ils sont un défi considérable pour les salariés et l’entreprise. Comment reconnaître et prévenir les TMS au travail ? Entretien avec Amandine Carette, intervenante en prévention des risques professionnels et ergonome au CIAMT.

En quoi les troubles musculosquelettiques sont-ils un enjeu majeur de santé au travail et de prévention des risques ? 

Amandine Carette : Les troubles musculosquelettiques sont à l’origine de 30 % des arrêts de travail (AT) et de 87% des maladies professionnelles (MP) en France. Leur impact est double, ils affectent à la fois les salariés et l’entreprise. 

Les TMS au travail exposent les salariés non seulement à des souffrances physiques et psychologiques quotidiennes,  Les TMS au travail exposent les salariés non seulement à des souffrances physiques et psychologiques quotidiennes, mais aussi à des incapacités, voire à de la désinsertion professionnelle

Pour l’entreprise, les troubles musculosquelettiques sont responsables de baisses de performance, de productivité et de qualité. Ils engendrent également une désorganisation de l’activité, une mobilisation des Ressources Humaines pour la gestion des remplacements, une dégradation du climat social... En plus de l’élévation des cotisations AT/MP, leur coût pour l’employeur est considérable.

Quels types de facteurs de risque de TMS au travail identifiez-vous lors de vos interventions ? 

Amandine Carette : Les contraintes biomécaniques liées à l’activité sont notre premier point d’attention : gestes répétitifs, efforts excessifs, port fréquent de charges, mauvaises postures comme rester les bras levés au-dessus de la tête… 

Elles sont majorées par des contraintes liées à l’environnement de travail : espace trop petit, poste mal aménagé, éclairage insuffisant ou encore température inconfortable… 

Typiquement, un écran installé trop haut par rapport aux yeux avec un mauvais éclairage ou le port de charges dans le froid augmente les risques de troubles musculosquelettiques. 

Nous prenons également en compte les contraintes liées aux rythmes de travail - travail posté, de nuit – et les facteurs psychosociaux : pression des échéances, manque d’autonomie dans l’organisation du travail, absence de soutien de l’équipe…. 

Enfin, nous ne négligeons pas les facteurs personnels de TMS, qui sont plus fréquents chez les seniors, les femmes et les personnes à l’état de santé fragile.  

L'évolution du travail, comme le télétravail et la digitalisation, impacte-t-elle sur les TMS ? 

Amandine Carette : Si le télétravail présente certains avantages comme la réduction des déplacements et l’amélioration de l’équilibre vie professionnelle – vie personnelle, il peut en revanche être responsable de TMS mais aussi de sédentarité voire d’isolement social. Notamment si les conditions de travail sont défavorables : poste peu ergonomique, manque d’équipement, désorganisation, surcharge de travail… 

En effet, le travail sur ordinateur implique l’adoption de postures contraignantes et prolongée du dos et cou mais aussi un risque de fatigue visuelle du fait de l’usage intensif des écrans. 

Aussi, il est donc important de rappeler que quel que soit le lieu de travail, il est essentiel de fournir à ses salariés le matériel adapté (mobilier à hauteur variable, écran déporté, clavier, souris…) et de leur transmettre les recommandations ergonomiques d’installation au poste de travail. En parallèle, il convient de veiller à ce que l’organisation du travail permette la prise de pauses régulières et la déconnexion.

Comment les salariés peuvent-ils reconnaître les troubles musculosquelettiques au plus tôt ?

Amandine Carette : Les premiers signes sont souvent discrets : une gêne fonctionnelle, une douleur en fin de journée, une maladresse inhabituelle, une raideur de l'avant-bras, une sensibilité modifiée de la main, des tensions cervicales. 

Quand l’activité cesse et que le repos est possible, ces inconforts disparaissent. Mais avec le temps, ils apparaissent de plus en plus tôt dans la journée puis persistent au repos. Si les troubles musculosquelettiques s’installent, la force et la mobilité diminuent : à ce stade, un salarié peut être confronté à l’incapacité de faire son travail. 

C’est pourquoi il faut écouter son corps et consulter dès les premiers signes de TMS au travail, même s’ils sont passagers.

Quels sont vos conseils essentiels aux salariés pour prévenir les TMS au travail ? 

Amandine Carette : Pour le travail de bureau, je recommande de s’étirer plusieurs fois par jour, de se lever et de bouger régulièrement. Si le travail exige des efforts physiques, je préconise de s’échauffer un peu avant la prise de poste. Pour le travail statique debout comme dans le commerce ou le secteur de la santé, il est important de s’asseoir dès que possible. L’idée, c’est de varier les postures, de lutter contre la sédentarité et de reposer régulièrement son corps. Il ne faut pas non plus oublier de s’hydrater tout au long de la journée.  

Pour une entreprise, par quoi commencer pour mettre en place une démarche de prévention des TMS en entreprise ? 

Amandine Carette : L'état des lieux est la première étape. Pour faire le diagnostic de la situation des TMS dans l’entreprise, l’employeur peut analyser des données quantitatives, en termes d’AT/MP, d’absentéisme, de turnover, consulter le DUERP et les avis de la médecine du travail, les plaintes des salariés… Il devrait ensuite lister ses ressources - les personnes en interne qu’il peut solliciter, le matériel dont il dispose déjà, les moyens financiers qu’il est prêt à allouer à cette démarche – et se fixer des objectifs à long terme, par exemple analyser toutes les activités impliquant un port de charge de plus de 10 kg. 

Si possible, un comité de pilotage et d’animation devrait être mis en place. L’entreprise peut mobiliser différents outils, dispositifs et experts externes auprès d’organismes de formation et de prévention des risques, de la CRAMIF, de la CARSAT, de l’INRS et de son service de santé au travail. Il ne faut pas hésiter à se faire aider ! 

Dans tous les cas, il est nécessaire d’impliquer les salariés et représentants du personnel dès l’initiation de la démarche de prévention des TMS, mais aussi de communiquer régulièrement sur l’avancée de cette démarche et ses résultats.