Deuxième cause d’accident au travail, les chutes de plain-pied font chaque année 100 000 victimes . Tant de blessures, d’incapacités et même de décès suite à un « simple » faux pas ! Pourtant, leurs risques restent méconnus, voire banalisés. Au CIAMT, le Dr Emile Phan, médecin du travail, Isabelle Ganem, infirmière en santé au travail ainsi que Victor Goulet, conseiller en prévention, ont constitué un groupe de travail dédié aux chutes de plain-pied. Découvrez les réponses à nos questions sur les causes de ces chutes, les risques de les sous-estimer et les moyens de les prévenir.
Dr Emile Phan (EP) : Les sols et les locaux encombrés, les sols mouillés ou mal entretenus et le mauvais éclairage sont des causes fréquentes de chutes de plain-pied au travail.
Isabelle Ganem (IG) : Les risques de chutes de plain-pied dépendent essentiellement
de l’environnement de travail, mais le comportement individuel entre aussi en jeu. Effectuer des tâches dans la précipitation ou marcher en téléphonant peut entraîner des chutes de plain-pied au travail. Enfin, les salariés ne sont pas assez sensibilisés à ces dangers.
Certains métiers ou secteurs d’activité sont-ils plus vulnérables que d’autres face aux risques de chute de plain-pied ?
EP : Selon l’Assurance maladie, les secteurs les plus touchés par les chutes de plain-pied sont le social et le médico-social, en particulier les salariés de plus de 40 ans et les femmes.
IG : De nombreux autres domaines d’activité sont également concernés par les risques de chutes de plain-pied au travail : la restauration, les ateliers de fabrication alimentaire, les garages, les bureaux… N’oublions pas les entreprises faisant appel à des prestataires ou intérimaires qui ne connaissent pas bien les locaux.
IG : Il y a une sous-estimation des risques. Les salariés perçoivent les chutes de plain-pied comme de petits accidents banals principalement liés à la maladresse. C’est aussi le cas de l’employeur, qui souvent ne se rend compte du risque et le corrige qu’à partir du moment un accident du travail suite à une chute a eu lieu.
Victor Goulet (VG) : Il y a même une difficulté à concevoir les risques des chutes de plain-pied. Récemment, je suis allé voir une entreprise où un salarié avait renversé sa tasse à café : le temps qu’il aille chercher la serpillère, deux collègues avaient glissé sur le sol mouillé. Les risques routiers sont faciles à comprendre, mais on n’imagine pas que le simple fait de marcher représente un risque professionnel et qu’un geste anodin de la vie courante peut causer un accident du travail. Il faut aussi dire que lorsqu’on trébuche sur un câble d’ordinateur, on n’admet pas forcément s’être fait mal. Pourtant, on se rend compte le lendemain qu’on s’est foulé la cheville.
EP : Oui. Un salarié faisant une chute de plain-pied au travail qu’il estime minime ne va pas la déclarer, alors que les douleurs peuvent apparaître de façon différée. De plus, l’entreprise doit disposer d’un registre des accidents bénins permettant de consigner un tel événement qui, en cas d’aggravation, pourra être considéré comme un accident de travail. Mais ce n’est pas souvent le cas en réalité, en particulier dans les petites entreprises.
IG : Les chutes de plain-pied peuvent provoquer des blessures banales, mais selon la façon de tomber et sur quoi on tombe, elles peuvent aussi avoir de lourdes conséquences. Elles peuvent induire des traumatismes et des fractures qui nécessitent des arrêts de travail prolongés et entraînent parfois des incapacités permanentes.
EP : C’est principalement la douleur au moment de la chute de plain-pied ou dans les jours suivants qui doit alerter. Un bruit de craquement lors de la chute ou un gonflement de la zone affectée peut également indiquer une fracture ou une entorse grave.
IG : Nous sommes là pour accompagner les entreprises dans leur obligation de préserver la santé et la sécurité de leurs salariés. Nous pouvons faire sur site un repérage des facteurs de risque de chutes de plain-pied : marches d’escalier sans antidérapant, plan incliné, ruptures de niveau, fils qui traînent… Notre regard d’expert nous permet de conseiller les employeurs sur des mesures de prévention personnalisés.
VG : Nous indiquons évidemment aux entreprises des points de vigilance généraux, puisque les chutes de plain-pied sont une cause majeure d’accident du travail. Mais nos adhérents attendent du sur-mesure : nous leur transmettons une information accessible et utile au cas par cas. Nous développons actuellement différents outils de prévention, des actions de sensibilisation sur les risques de chute de plain-pied ainsi que des partenariats avec des organismes de formation.
EP : En 2019, les chutes de plain-pied ont été responsables de 17 % des incapacités permanentes parmi les accidents du travail. Sachant que les salariés de 40-59 ans sont les plus touchés, il faut agir en prévention pour les accompagner vers une fin de carrière sans dommages pour leur santé.
IG : Les chutes de plain-pied sont fréquentes mais peuvent être évitées. J’insiste sur l’importance du Document Unique (DU) pour l’employeur : l’évaluation des risques permet de prévoir et mettre en place des mesures de prévention adaptées.