En 2022, le travail intérimaire comptait environ 750 000 équivalents temps-plein et 3 millions de travailleurs. Ces intérimaires, ayant un taux d'accidents du travail deux fois plus élevé que les salariés permanents, nécessitent une attention particulière en matière de prévention. Benjamin Do, médecin du travail du CIAMT, explique l'importance de cette sensibilisation.
À quoi ressemble le paysage de l’intérim en France ? Les secteurs qui sollicitent le plus d’intérimaires sont ceux du bâtiment, de la construction, de l’industrie, du transport et de la logistique.
Selon l’observatoire de l’intérim et du recrutement, 34 % des salariés intérimaires ont moins de 25 ans, 65 % des intérimaires sont des hommes et les ouvriers qualifiés représentent la catégorie socioprofessionnelle la plus répandue.
Souvent jeunes avec peu d’expérience dans le monde du travail, ils ont généralement des connaissances moins solides sur la marche à suivre lorsqu’ils sont victimes d’un accident du travail en intérim et sont rarement au fait de la prévention des risques professionnels, y compris les risques psychosociaux, au moment de leur prise de poste. C’est l’une des problématiques majeures de la sécurité dans l’intérim selon Benjamin Do.
Les intérimaires sont particulièrement exposés aux risques d’accidents de travail et aux troubles musculosquelettiques (TMS) propres aux secteurs où ils travaillent. On remarque en effet que les intérimaires sont plus sujets aux accidents du travail que les salariés permanents alors même qu’ils évoluent dans le même environnement de travail.
À titre d’exemples, selon les données de prévention BTP, dans le secteur de la construction, plus de 40% des accidents de travail graves et plus de la moitié des décès concernent les intérimaires alors qu’ils sollicitent moins de 20% de travailleurs intérimaires.
Ces différences s’expliquent par plusieurs facteurs liés à leur statut d’intérimaire. Premièrement, ils sont principalement sollicités dans des secteurs et des postes pouvant présenter des facteurs de pénibilité et des risques d’accidents de travail documentés.
Leur présence temporaire dans les entreprises et les changements fréquents de missions peuvent entraîner un manque de repère, notamment en ce qui concerne la connaissance de l’entreprise, des modes opératoires et des procédures de sécurité spécifiques à l’entreprise. Ce manque de repères peut également expliquer le surrisque d’accidents de travail marqué pendant les premiers mois des missions.
Nous notons également que la population des travailleurs intérimaires contient des personnes avec une situation sociale et professionnelle précaire, parfois d’origine étrangère et qui peuvent présenter un état de santé dégradé par des difficultés d’accès aux soins. Leur état de santé négligé peut être à l’origine d’accidents parfois graves selon les circonstances de survenue.
La spécificité du travail en intérim est d’avoir une organisation tripartite entre l’entreprise utilisatrice, l’agence d’intérim et le salarié intérimaire. Il faut s'assurer que ces acteurs communiquent entre eux et que chacun joue son rôle dans la prévention des risques professionnels.
Le premier rôle du CIAMT est d’impulser une dynamique et une culture de prévention avec l’ensemble des acteurs, que ce soit avec les entreprises utilisatrices et les agences d’intérim.
En 2023, le CIAMT a eu l’opportunité d’expérimenter des actions de prévention sur plusieurs chantiers des Jeux olympiques de Paris 2024. Sous l’impulsion des responsables en prévention et sécurité des chantiers, ces actions ont consisté en la création d’un parcours coordonné santé-sécurité avec la participation de plusieurs partenaires, notamment du F.A.S.T.T (Fonds d’Action Sociale du Travail en Intérimaire) et de plusieurs services de prévention et de santé au travail.
Forts de cette expérimentation, nous avons constaté l’intérêt de reproduire ces parcours coordonnés santé-sécurité sur d’autres bassins d’emploi ou à plus petite échelle au sein de petites ou moyennes entreprises. Cela permettrait à chaque intérimaire de disposer d’informations nécessaires pour débuter leur mission en sécurité et d’avoir un temps dédié à la prévention. De plus, ces actions ont bien soulevé la nécessité d’aborder des sujets de santé publique et de faciliter l’accès aux soins des intérimaires.
Oui et c’est une évolution positive ! Nous constatons une sollicitation croissante des entreprises pour les accompagner dans la mise en œuvre de mesures de prévention visant à améliorer les conditions de travail à la fois des salariés permanents et des intérimaires.
Lorsqu’il s’agit d’action spécifique à l’attention des intérimaires, les entreprises se montrent également volontaires avec des demandes sur des thématiques auxquelles ils sont confrontés, principalement les malaises ou les troubles addictifs en entreprise. Dans ces situations, nous travaillons des thématiques en lien comme la promotion de la santé cardio-vasculaires ou sur les gestes qui sauvent.
Cependant, les agences d’intérim nous sollicitent encore peu pour des actions de prévention, probablement parce qu'elles sont peu informées des services proposés par le CIAMT. Il reste du travail pour sensibiliser nos agences sur nos actions afin que la prévention soit un réflexe lors de l’arrivée de tout intérimaire.
Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir mais des progrès sont en cours avec des évolutions réglementaires. Jusqu’à récemment, la responsabilité des entreprises utilisatrices en cas d’accident de travail restait limitée par des freins juridiques, cette responsabilité étant principalement attribuée aux agences d’intérim.
Toutefois une nouveauté réglementaire introduite par un décret publié le 5 juillet 2024 pourrait s’avérer bénéfique sur le long terme. Ce décret instaure le partage des coûts des accidents du travail et des maladies professionnelles entre les agences d’intérim et les entreprises utilisatrices. Cette évolution incite davantage les entreprises utilisatrices à assumer leurs responsabilités en matière de prévention des intérimaires.